Bouger plus et s’asseoir moins pour une meilleure santé mentale
Bernard Paquito, Université du Québec à Montréal (UQAM)
Les activités physiques de différentes intensités sont toutes associées à une meilleure santé mentale. Mais trop d’activité physique semble affecter le bien-être psychologique.
Comme chercheur sur la question de l’activité physique et de la santé mentale, j’entends souvent les gens répéter: “Plus je fais de l’activité physique, plus je me sens bien”. Cette expression laisse entendre qu’il faille toujours faire plus d’activité physique pour augmenter son bien être psychologique. Or, vous connaissez peut-être des personnes qui ont un emploi très exigeant physiquement ou qui s’entraînent énormément et qui ne sont pas nécessairement mieux dans leur peau.
De même, d’autres qui passent plusieurs heures assis soulignent qu’ils ne se sentent pas bien à la fin de la journée du fait d’avoir très peu bougé.
Notre groupe de chercheurs et d’étudiants s’est donc demandé s’il y avait forcément une relation linéaire entre le niveau d’activité physique et le bien-être psychologique et si les habitudes sédentaires influençaient cette relation (marcher beaucoup, mais être assis toute la journée).
Faire une activité physique modérée à intense comme jouer au soccer ou courir pendant 1 à 50 minutes quotidiennement était progressivement associée à une meilleure santé mentale
Surprise: la courbe finit par s’inverser
Les études précédentes identifiaient des relations linéaires ou en forme de U inversé, mais le plus gros problème était que la quantité d’activité physique était mesurée à l’aide d’un questionnaire. Or, il y a généralement un écart important entre l’activité physique déclarée, et celle mesurée à l’aide d’un bracelet connecté muni d’un accéléromètre.
Nous avons analysé les données de l’[enquête canadienne sur les mesures de la santé récoltées entre 2007 et 2012] dont l’échantillon est représentatif de plus de 95 % des Canadiens.
Plus de 8000 adultes, qui avaient évalué leur niveau de santé mentale la semaine précédente, ont porté un bracelet (appelé accéléromètre) durant 4 à 7 jours. Ainsi, nous avons pu réaliser des analyses statistiques en tenant compte des variables comme le sexe, le poids ou la consommation de tabac, influençant le lien entre activité physique quotidienne et santé mentale.
Faire une activité physique modérée à intense comme jouer au soccer ou courir pendant 1 à 50 minutes quotidiennement était progressivement associée à une meilleure santé mentale. Mais au-delà de cette durée, les personnes rapportaient une santé mentale de plus en plus dégradée.
Pour une activité physique d’intensité légère (jardiner ou faire le ménage), il fallait plus de 6 heures environ pour que les effets positifs apparaissent. Les associations positives de ce type d’activité avec la santé mentale semblent plus marquées quand elles sont combinées à de l’activité physique d’intensité modérée à élevée.
Une relation en U inversée a été identifiée entre le nombre de pas par jour et la santé mentale. Ainsi, la relation entre le nombre de pas et une bonne santé mentale est de plus en plus évidente entre 1 et 5000 pas environ, puis elle « stagne » jusqu’à 16 000 pour ensuite s’inverser. En d’autres mots, chaque pas, jusqu’à concurrence de 5000, pourrait compter pour améliorer sa santé mentale.
Très actif et très sédentaire = effets mitigés
Par la suite, nous avons examiné comment la relation entre l’activité physique et la santé mentale évoluait en fonction de la sédentarité. Un même adulte peut être très actif (30 minutes de marche quotidiennes, couplées à un entraînement et à un match de hockey hebdomadaires) et très sédentaire s’il occupe un emploi de bureau. La sédentarité rassemble les activités où nous sommes éveillés, assis ou debout et qui entraînent une dépense énergétique très faible.
Lorsqu’on tente de comprendre comment la sédentarité affecte la relation, il semble qu’une durée accrue de sédentarité quotidienne pourrait réduire les effets bénéfiques de l’activité physique pour la santé mentale.
Les relations entre l’activité physique et la santé mentale chez les adultes canadiens ne sont donc pas nécessairement linéaires contrairement à ce que les études semblaient démontrer jusqu’ici.
Il semble que les adultes pourraient tirer des bénéfices dès les premières minutes d’activité modérée à intense ou dès les premiers pas. En revanche, les liens entre activité physique et bonne santé mentale semblent plus marqués lorsque la sédentarité quotidienne est faible. Nos résultats montrent que le message-clé « Bouger plus et s’asseoir moins pour une meilleure santé » du Pr Warburton pourrait aussi s’appliquer à la santé mentale.
Les activités physiques de différentes intensités sont toutes reliées à une meilleure santé mentale mais trop d’activité physique semble avoir un effet inverse. Il est important de souligner que l’étude est transversale, donc aucun lien temporel ne peut être identifié. Autrement dit, on ne peut pas savoir si c’est parce que les canadiens font de l’activité physique qu’ils rapportent une meilleure santé mentale ou si c’est leur bonne santé mentale qui facilite le fait d’être actif au quotidien.
Bernard Paquito, Professeur adjoint, Université du Québec à Montréal (UQAM)
Cet article est republié de The Conversation sous une licence Creative Commons. Lire l’article original.